Shambala, le mythe
Difficile de classer Shambala, mythe ou lieu sacré, existe-t'il, qu'est-il ? Tant d'explorateurs sont partis à sa recherche, ont ramené des témoignages étonnants d'évènements et de "choses vues" mais pas de preuves réelles...
Dans la mythologie bouddhique, Shambala ou Shambala (sanskrit "lieu du bonheur paisible", tibétain bde byung) est un pays mythique, dépositaire de l'enseignement du kalachakra qui fut transmis par le Bouddha à la demande de son roi Suchandra. Il est décrit dans le Tantra Kalachakra et ses commentaires. Selon le 14e Dalaï Lama, c'est une terre pure terrestre qui ne peut cependant pas être située sur une carte ; seuls y ont accès ceux qui ont acquis le karma convenable. Selon le tantra, le 25e roi de Shambala reviendra dans le monde pour en chasser les forces obscures et établir un âge d'or. Il existe une prière pour renaître à Shambala, rédigée par le 6e Panchen Lama.
Le thème du royaume parfait dissimulé dans l’Himalaya existe aussi dans le bön : il s’agit en l’occurrence du berceau de cette religion, l’Olmolungring.
Shambala pourrait avoir inspiré Shangri-La, lamaserie utopique du roman L’Horizon perdu (1933) de James Hilton.
Dans certains mythes occidentaux modernes, Shambala est un monde souterrain jouant un rôle tantôt positif, tantôt négatif, parfois couplé avec Agartha, un autre monde souterrain qui est son opposé. Dans la nouvelle théorie de la Terre Creuse proposée à la fin des années 1950 par le président de la société théosophique brésilienne, Shambala est la capitale du monde intra-terrestre nommé Agartha d'où proviennent les ovnis.
Sa forme
Sur les thangkas, le royaume de Shambala est représenté de forme circulaire et encerclé de montagnes, avec sa capitale, Kalapa, au centre. Au sud de la capitale se trouve le parc du Bois de santal qui abrite le mandala de Kalachakra tridimensionnel construit en pierres précieuses par le roi Suchandra. À l’est et à l’ouest du parc se trouvent les lacs du Petit Manasa et du Lotus blanc. Des mystiques ayant « visité » Shambala ou l’ayant vu en vision en ont laissé des descriptions. Parmi eux, Mipham Rinpoche, maître rimé du XIXe siècle.
Tous les habitants sont éveillés grâce à l’enseignement du Kalachakra préservé par les rois dont la liste est fournie. Les sept premiers sont nommés « rois du dharma », puis, à partir de Manjusrikirti (Manjusri Yashas), kalki (sk.) ou rigden (tib.), "maîtres de lignée" ou "dépositaires de la tradition". Ils sont en général considérés comme des avatars de déités : le premier roi Suchandra est un avatar de Vajrapani, les kalkis sont avatars de Manjusri ou parfois d'Avalokiteshvara (Pundarika). Le 25e kalki Raudrachakrin qui se manifestera dans le monde pour anéantir les ennemis du dharma serait un avatar de Sarvanivarana-Vishkambhin. Les ennemis mentionnés dans cette prophétie du tantra sont nommés Mlecchas et sont adeptes des huit prophètes "asuras" : Adam, Noé (sk. Anogha, certains proposent Enoch) Abraham, Moïse, Mani (sk. Shvetavastri, littéralement « vêtu de blanc ») Mahomet et le Mahdi. Leur figure s'inspire manifestement des adversaires musulmans des royaumes hindo-bouddhistes à l'époque de la rédaction du tantra. L’interprétation traditionnelle soutient qu’il s’agit d’une représentation de la lutte contre les forces du mal.
Le mythe de Shambala, tout comme le Kalachakra, s'interprète selon trois niveaux : "externe" "interne" et "autre". Le premier voit le royaume comme une contrée accessible seulement à ceux qui ont acquis le karma nécessaire ; l’interprétation interne situe Shambala dans le corps et l’esprit du pratiquant ; la dernière interprétation le place dans un mandala qui guide la méditation.
Shambala et le Kalachakra
À la demande du roi Suchandra qui désirait atteindre l’illumination sans abandonner ses fonctions royales et guerrières de kshatriya, le Bouddha aurait enseigné sous la forme de la déité Kalachakra le premier Tantra Kalachakra à Dhanyakataka (ti. Palden Drepung) près de l’actuelle Amaravati, au même moment où, dédoublé, il donnait le célèbre sermon du mont des Vautours à Rajagriha. Shambala devint alors un royaume dont tous les habitants étaient éveillés. Plusieurs centaines d’années après, le roi Manjushrikirti (ti.Rigden Tagpa) aurait rédigé le tantra actuel Sri Kalachakra ou Laghutantra (ti. bsDusrgyud), un abrégé de l’enseignement d’origine, et son fils Pundarika (ti. Padma Dkarpo) serait l’auteur du commentaire Vimalaprabha.
Le 11e roi, Durjaya (927?-1027?) (ti. Gyalka) aurait transmis le Laghutantra en 966 au sage indien Chilupa ou Kalachakrapada (ti. Jamyang Dorje), lui apparaissant sous la forme de Manjusri. Kalachakrapada l’aurait transmis à Nadapada (Naropa) qui l’aurait transmis à Atisha. Il existe en fait différentes lignées de transmission du Kalachakra au Tibet, où il est connu de toutes les traditions. Il est particulièrement important chez les gelug et les kagyu.
A la recherche Shambala dans ce monde
Les historiens se sont demandé si Shambala avait été inspiré par un royaume réel. Certains y voient Zhangzhung ou Gugé ; des textes bön appellent d’ailleurs Shambala la capitale de Zhangzhung. Srivijaya, qui abritait un important centre d’enseignement bouddhiste où étudia Atisha, a aussi été proposé.
Le premier occidental à rapporter le nom de Shambala (sous la forme Xembala) fut le missionnaire catholique portugais Estêvão Cacella. Croyant qu’il s’agissait du but de son voyage, Cathay, il suivit les indications de ses informateurs et arriva en 1627 au Tashilhunpo, siège du Panchen Lama. Il existe une tradition qui situe Shambala à Tashilumpo. Sándor Korösi Csoma fut le premier (1833) à présenter en Occident Shambala comme un pays fabuleux, qu’il situait entre 45 et 50 degrés de longitude.
Les Mongols, pour leur part, situent le royaume dans une vallée de Sibérie du sud. Les mouvements spirituels occidentaux du XIXe siècle et du début du XXe siècle l’ont parfois imaginé sous le désert de Gobi ou même en Russie.
La théosophe Helena Blavatsky y a fait allusion et le thème fut repris par divers courants spirituels d’inspiration orientale. Le mystique Nicholas Roerich et le Soviétique Yakov Blumkin dirigèrent respectivement en 1926 et 1928 des expéditions à la recherche de Shambala. Selon Christopher Hale, Heinrich Himmler et Rudolf Hess envoyèrent également des explorateurs dans ce but au Tibet en 1930, 1934-35 et 1938-39 . Alice Bailey en fit un royaume du plan de l’éther, dirigé par Sanat Kumara. Shambala occupe aussi une place importante dans l’Agni Yoga promu par Nicholas Roerich et sa femme Helena.
Les adeptes du mythe de l’Agartha, monde souterrain popularisé par des romanciers et mystiques occidentaux, le lient à celui de Shambala qui en serait la capitale. Déjà les occultistes nazis avaient vu une possible connexion entre Shambala et Thulé. Ces associations ont donné lieu à des interprétations anti-bolchéviques ou anti-abrahamiques du combat du roi de Shambala contre le mal évoqué dans le Tantra Kalachakra.